Au XIXè siècle, Aimée, 18 ans, accepte d'épouser Candre riche propriétaire forestier. D'apparence délicate, prévenant, il emmène Aimée vivre dans sa demeure au milieu du vert sombre et du noir des forêts de résineux. Elle rencontre Henria, la domestique qui a élevé Candre, une femme ayant la « force des bourreaux de place publique » ; et Angelin, son fils, qu'elle ne voit que furtivement. Isolée, elle s'éveille et se sent exister enfin avec l'arrivée d’Émeline, professeure de musique. Mais restant malgré tout aux prises avec des questions auxquelles répond le silence de son mari, elle perçoit une menace. D'ailleurs qu'est-il réellement arrivé à la première femme de Candre morte six mois après leur mariage ?
La description du physique des personnages, de la nature environnante et de la demeure, et celle des interactions entre Aimée et Candre ou Aimée et Emeline par exemple, créent une atmosphère envoûtante. On ressent l'oppression, la solitude d'Aimée, son besoin de trouver un refuge et des réponses. Les lumières et les couleurs décrites avec précision font surgir des images, nous immergent dans un film dévoilant la vie des personnages. Le choix des prénoms traduit aussi ce souci de la précision : Aleth intrigue mais fait sens ; Aimée, Emeline et Angelin portent des prénoms doux, tandis que Candre, Henria et Josèphe sonnent avec rudesse ou froideur, les deux femmes ayant d'ailleurs des prénoms plutôt masculins.
Le récit s'accélère dans le dernier tiers du roman, les mensonges sont éventés et la vérité éclate peu à peu. Dès le début, des détails habilement distillés permettent de mieux cerner les personnages. Mais le mystère et les non-dits nous laissent dans la brume jusqu'aux révélations finales.
L'écriture de Cécile Coulon, physique, parfois sensuelle, révèle les odeurs, les goûts, les sons, la texture des tissus et des peaux. Les mots donnent vie et corps aux personnages, aux animaux, à la forêt et à la demeure. Du corps il en est question dans le découpage en grandes parties du roman, mais surtout tout au long de l'intrigue. Aimée découvre peu à peu son corps ; s'éveille au désir ; souffre, son corps fragilisé... par les mensonges de son mari ?
Aimée finira-t-elle comme une bête en enfer, domestiquée par Candre, sa demeure et ses secrets ? Ce roman édité aux éditions de l'Iconoclaste est un véritable page-turner !
Si jamais Seule en sa demeure est déjà emprunté, n'hésitez pas à lire Une bête au paradis qui explore avec justesse les thèmes du premier amour, de la trahison et de l'attachement à la terre; Trois saisons d'orage où la puissance du désir et le pouvoir des lieux sur la destinée des hommes s'expriment au fil des pages; ou encore Le coeur du pélican , portrait d'un homme qui chute après avoir été au sommet, et essaye de se relever grâce à la course à pied, à l'effort et au dépassement qu'elle exige.
Bonne lecture ! Anne-Charlotte