L'Innocence, film de Hirokazu Kore-Eda

Raccourcis Pictos (YaKaLire)

 

« L’Innocence » : comment Hirokazu Kore-Eda explore une « amitié » entre deux enfants dans un film sophistiqué et réussi.

Le réalisateur multiplie les points de vues et des temporalités différentes : il partage d’abord les interprétations de la mère, puis celles du professeur, et enfin les ressentis du jeune Minato.

Le film laissera le spectateur interpréter la fin, sans qu’il y ait une réelle conclusion.

Mais ce que réussit avec brio Kore-eda, c’est de nous mettre devant nos erreurs et nos préjugés. C’est-à-dire notre tendance à disposer les choses en jugement sans détenir tous les éléments indispensables pour comprendre le problème dans son ensemble. Nous avons l’habitude de désigner « le monstre » sans réellement détenir toutes les informations (Monster étant le titre original du film). Nous sommes sûrs que nous voyons juste, que notre opinion est la bonne, mais pourtant quand nous réalisons à quel point nous avons fait fausse route, il est déjà trop tard…

Kore-eda affronte un tabou, qui est encore présent dans la société japonaise, celui de l’homosexualité (« monstre », « cerveau de porc » etc.). Ne verrait-on pas dans le film une parabole de la découverte de l’homosexualité ? La violence physique et sociale de la société contraint Minato et Yori à se cacher. Cet amour est contrarié à la racine, aucune place n’est laissée pour cet amour innocent et interdit. D’ailleurs c'est pour cela que Minato va croire tout le long du film qu’il est un « monstre », c’est-à-dire quelque chose qui ne peut être nommé, et d’une certaine manière, c’est le cas.

Le regard du monde des adultes est tellement complexe qu’il ne voit pas spontanément la lumière alors qu’elle n’est jamais très loin, juste sous nos yeux.

L’innocence est un très beau film, troublant certes, mais intelligent et d’une grande poésie.